Labraunda

Site archéologique

Les auteurs antiques

Plutarque, qui vivait au 2e s. ap. J.-C., a expliqué pourquoi le culte de Zeus à Labraunda était symbolisé par une double hache (hache à deux bords tranchants). Gygès, dont le nom apparaît dans le passage ci-dessous, était le roi de Lydie au milieu du 7e s. av. J.-C.

– Pourquoi est-ce que la statue du Zeus Labraundos en Carie tient une hache et non un sceptre ou un éclair  ?

– Parce que quand Héraclès a assassiné Hippolyte, en même temps que d’autres armes il a pris la hache d’Hippolyte et l’a donnée comme cadeau à Omphale. Les rois lydiens qui ont succédé à Omphale ont pris l’habitude de la porter comme prérogative royale sacrée, la transmettant aux suivants jusqu’à Candaule. Ce dernier l’a considérée comme de peu de valeur, et la donna à l’un de ses compagnons. Mais lorsque Gygès s’est révolté et entra en guerre contre Candaule, Arselis est venu de Mylasa avec son armée pour soutenir Gygès et a assassiné à la fois Candaule et son compagnon. Arselis apporta la hache en Carie en même temps que d’autres butins. Il a alors édifié une statue de Zeus, plaça la hache dans sa main et appela le dieu Labraundos ; ou les Lydiens appellent la hache une Labrys.

Plutarque, Questions grecques 45, Moralia 301F-302A, tiré de la trad. F.C. Babbitt, Loeb Class. Library

Hérodote est la plus ancienne source littéraire mentionnant le site sacré de Labraunda est Les Histoires d’Hérodote. Dans le récit sur la bataille de Labraunda dans les guerres perses où les Perses ont été vaincus par les Cariens et leurs alliés milésiens en 497 av. J.-C., le sanctuaire de Labraunda est cité brièvement.

Les Perses étant arrivés quelque temps après, et ayant traversé le Méandre, les Cariens leur livrèrent bataille sur les bords du fleuve Marsyas. Le combat fut rude et long, mais enfin ils furent forcés de céder au nombre. Il périt dans cette action deux mille hommes du côté des Perses, et dix milles de celui des Cariens. Ceux d’entre ces derniers qui échappèrent à cette déroute se réfugièrent à Labranda, dans le temple de Zeus Stratios, et dans un grand bois de platanes qui lui était consacré. Les Cariens sont les seuls peuples, que je sache, qui offrent des sacrifices à Zeus sous le nom de Stratios. Lorsqu’ils furent enfermés dans ce bois, ils délibérèrent sur le parti le plus salutaire, et s’il leur serait plus avantageux de se rendre aux Perses ou d’abandonner totalement l’Asie. Pendant qu’ils délibéraient là-dessus, les Milésiens vinrent à leur secours avec leurs alliés. Les Cariens abandonnèrent alors leurs premières résolutions et se préparèrent à recommencer la guerre. Ils en vinrent aux mains avec les Perses qui venaient les attaquer, et furent battus après un combat plus long et plus opiniâtre que le précédent. En général, il périt beaucoup de monde en cette journée, surtout du côté des Milésiens. Quelque temps après, les Cariens réparèrent cette défaite dans une autre action. Ayant appris que les Perses étaient en marche pour attaquer leurs villes, ils se mirent en embuscade sur le chemin de Pédases. Les Perses s’y étant engagés pendant la nuit y périrent avec leurs généraux Daurisès, Amorgès et Sisimacès. Myrsus, fils de Gygès, y fut tué aussi.

Hérodote, livre 5.119-121, trad. Larcher, éd. Charpentier, 1850.

Le géographe Strabon (env. 63 av. J.-C.- 21 ap. J.-C.) mentionne non seulement les carrières de marbre de Mylasa, d’où provenait probablement le marbre de Labraunda, mais également la Voie Sacrée reliant Mylasa à Labraunda qui mesurait environ 60 stades (env. 10,6 – 11,6 km).

Mylasa est bâtie dans une plaine extrêmement fertile, au-dessous d’une montagne qui s’élève à pic à une très grande hauteur et qui renferme une carrière de très beau marbre blanc. Or, ce n’est pas un mince avantage pour une ville d’avoir à sa portée et en si grande quantité les matériaux réputés les plus précieux pour la construction des édifices publics, et principalement des édifices religieux. Et par le fait, il n’y a pas de ville qui soit plus magnifiquement décorée que Mylasa de portiques et de temples…

… Les Mylasiens possèdent deux temples de Zeus, celui de Zeus Osogos, bâti dans la ville même, et celui de Zeus Labraundenos, ainsi nommé du village de Labraunda, lequel est situé dans la montagne, à une assez grande distance de la ville et tout près du col où passe la route qui va d’Alabanda à Mylasa. Le temple qui s’élève en ce lieu est fort ancien et contient la statue en bois de Zeus Stratios, objet de vénération pour les populations circonvoisines, comme pour les Mylasiens  ; il est relié à la ville par une chaussée de près de 60 stades, qu’on nomme la voie sacrée et qui sert aux pompes et aux processions. Le grand prêtre est invariablement choisi parmi les plus illustres citoyens de Mylasa et toujours nommé à vie.

Strabon, Géographie livre 14-2, trad. fr. A. Tardieu, Librairie Hachette, 186

Pline l’Ancien (qui mourut en 76 ap. J.-C. lors de l’éruption du Vésuve détruisant Pompéi) a intégré dans son Histoire Naturelle une note sur un bassin aux anguilles à Labraunda. Ce témoignage, confirmé plus tard par celui d’Élien suppose l’existence à Labraunda d’un oracle rendu par le biais de poissons, probablement mis en place au 1er s. ap. J.-C. au moment où de nouveaux oracles étaient créés en nombre dans le monde antique.

Les poissons viennent manger à la main ; cela se voit dans plusieurs maisons de campagne impériales. Mais ce que les anciens ont rapporté à cet égard, ils l’ont vu avec admiration, non dans les piscines, mais dans les étangs naturels ; par exemple au château d’Élore en Sicile, non loin de Syracuse. Dans la fontaine de Zeus Labraundéen, les anguilles mangent à la main ; elles portent en outre des boucles d’oreilles.

Pline l’Ancien, Histoire Naturelle 32, 7, trad. É. Littré, É. Dubochet Le Chevalier, 1850

Élien, qui vécut dans la deuxième moitié du 2e s. ap.  J.-C., mentionne la source à Labraunda, mais dans sa version les poissons y sont apprivoisés et il ne s’agit pas d’anguilles comme l’écrivait Pline l’Ancien. La distance de Mylasa à Labraunda est ici mesurée à 70 stades (env. 12,5 – 13,5 km), ce qui apparaît être plus proche de la réalité que les 60 stades évoqués par Strabon. Élien suggère aussi une alternative étymologique à l’épithète Labraundeus par rapport à l’explication de Plutarque. Cependant, bien que des pluies violentes et chargées arrivent en effet sur le site, les chercheurs préfèrent aujourd’hui croire que la première moitié du nom Labranda a la même étymologie qu’une plante appelée laparsa- dans les textes Hittites.

Les poissons apprivoisés qui répondent à un appel et acceptent volontiers la nourriture sont trouvés puis gardés dans différents lieux, … et au lieu sacré du Zeus Labraundeus dans une source d’eau transparente. Et là les poissons ont des colliers en or et des boucles d’oreilles, aussi d’or. Le lieu saint de ce Zeus est à une distance de 70 stades de la ville de Mylasa. Une arme est attachée sur le côté de la statue …

… et Zeus a reçu l’épithète de Labraundeus parce qu’il fit tomber des pluies torrentielles et chargées.

Élien, Des animaux 12.30 ; d’après la trad. A.F. Scholfield, Loeb Class. Library